Freux : roman de Pierre Ouellet : paru à L’instant même en 2019

Fénelon écrivait : « Quand un auteur parle au public, il n’y a aucune peine qu’il ne doive prendre, pour en épargner à son lecteur. Il faut que tout le travail soit pour lui seul, et tout le plaisir, avec tout le fruit, pour celui dont il veut être lu. Un auteur ne doit laisser rien à chercher dans sa pensée. Il n’y a que les faiseurs d’énigmes qui soient en droit de présenter un sens enveloppé. »  

Fénelon écrivait ce qui précède à la fin de la période classique. On peut méditer longuement ses propos, on a intérêt selon moi à garder en mémoire ses conceptions en matière de poétique. Cela dit, du temps a passé depuis que s’est éteint l’archevêque de Cambrai. La littérature moderne a par la suite exploré des avenues dont, malgré son intérêt marqué pour le quiétisme cher à son amie Madame Guyon, Fénelon n’était pas en mesure de prévoir l’éventuel surgissement. Mysticisme dans leur cas, mais non ésotérisme comme dans celui qui maintenant nous intéresse.

La vie est une énigme. Certains écrivains tentent de la résoudre et, pour ce faire, ajoutent de la clarté à son obscurité. Le roman de Ouellet, n’en déplaise à Fénelon, n’obéit pas aux préceptes classiques ni ne se plie à la loi du genre qui met au-dessus de tout la limpidité de l’écriture, dont découleraient la facilité et l’agrément de la lecture. Autant dire son succès commercial. Lire Freux, ce n’est pas seulement découvrir une aventure, c’est surtout y participer en s’y engageant tout entier en tant que lecteur. À vrai dire, l’aventure ici est double, et celle qui consiste à lire est aussi importante que celle qui se déroule sous nos yeux. Lire Freux, dès les premières lignes, c’est se confronter à une certaine opacité, une lumière noire pourrais-je dire. Ce monde est vraiment celui de l’obscurité. Mais les phrases qui nous ouvrent à lui ne sont pas pour autant illisibles. Seulement, elles s’accordent à leur objet, qui est celui, fort complexe, du crime dans ses relations avec un mal qui n’est pas sans rapport avec le divin, le sacré.

Le salut de l’âme selon certains passe par une expérience directe de la divinité, par une connaissance de soi. Dans la gnose chrétienne, la connaissance de Dieu est intuitive, elle résulte d’une révélation intérieure. Certains personnages de Freux considèrent que notre monde sensible est dominé par des puissances occultes. Le crime en série s’avère un remède pour pallier cet état de fait. Pour que l’Homme échappe à l’enfer de la condition humaine, il faut l’y précipiter encore davantage. C’est ce que croit le grand criminel, l’illuminé, le fou qui est à l’origine du mauvais sort qui s’est abattu sur Savannah, petite ville côtière de Géorgie.

Freux est un roman policier qui échappe plus ou moins à la loi du genre. Dans l’affaire que tente d’élucider l’enquêteur, il s’agit moins d’interroger les indices, au moyen de la raison, moins de recourir à la logique que de s’abandonner à l’intuition. C’est ce que fait le Narrateur, l’ami de l’enquêteur. Ce personnage est un auteur de « thrillers métaphysiques dans lesquels le suspense est dans la tête bien plus que dans les faits, dans la pensée bien plus que dans l’action… »

Mais n’allons pas trop vite. Ce roman se lit lentement. Il fourmille de personnages qui s’avancent masqués, qui à vrai dire reculent et fuient et nous échappent dès que nous tentons de saisir leur identité. Leurs visages, souvent identiques, entre eux échangent des traits complices qui ajoutent à notre confusion. Ce sont des jeux de miroirs qui nous les donnent à voir. Mais n’allons pas trop vite.

Revenons à ce qui tantôt constituait une manière de mise en garde. Un avertissement, un genre de : Comprenne qui voudra. Car il faut vouloir pour saisir, ne serait-ce qu’un peu, tout ce qui fait l’intérêt de ce livre, pour accéder, si cela est possible, à sa signification. Tel l’enquêteur qui au fil de l’intrigue ne parvient pas facilement à mettre la main au collet du criminel, le lecteur doit composer avec un texte qui ne se livre pas facilement. Le texte que nous avons sous les yeux lorsque nous lisons Freux est parfois écrit par le criminel lui-même, car cet illuminé relate ses cruels exploits dans les journaux. Le Narrateur lit ces publications. Pour provoquer le malfaiteur, il lui adresse la critique suivante : « Il nous fait lire ses saloperies comme il les fait vivre à ses personnages, parmi lesquels il voudrait bien qu’on soit ses dernières victimes, asphyxiés par son style, où il n’y a pas plus d’air entre les mots qu’il n’y a de sens dedans… » Je ne peux m’empêcher en transcrivant cette citation de penser au reproche que certains ne manqueront pas d’adresser à Pierre Ouellet. Me reviennent ici en mémoire les propos jadis tenus par Caillois dans ses Impostures de la poésie. Il reprochait aux écrivains surréalistes leurs éclairs éblouissants, trop nombreux à ses yeux. Comme Fénelon, deux siècles avant lui, il réclamait une lumière plus douce. Les étoiles au ciel pour briller doivent être distantes les unes des autres, c’est ce qu’affirmait Caillois au sujet des images surréalistes. Mais Ouellet n’abuse pas des métaphores, il ne les tire jamais par les cheveux. Son écriture est de facture réaliste, voire classique. Freux ne relève en rien de l’écriture automatique. Cependant, on n’aura pas tort de faire la remarque suivante : cette prose est dense, compacte, serrée. Au sujet de Madame Bovary ou de son auteur, je ne me souviens pas de qui précisément, et malheureusement mon ami Tougas est mort qui souvent citait mot pour mot ces propos, Malraux disait que c’était une Rolls-Royce en panne. En raison de sa richesse et de sa puissance, de maîtrise ainsi que de sa forte expressivité, Freux me fait également penser à une Rolls-Royce, mais dans son cas c’est une voiture de luxe qui est loin d’être en panne. Elle ne circule pas à toute vitesse, du moins pas dans les premières pages, mais elle avance et plus elle avance, plus j’embarque, plus je suis séduit par le paysage qui se déploie sous mes yeux. Toutefois, certains seraient tentés de déplorer l’abondance de mots qui s’y trouvent. Ce serait à mon avis faire la sourde oreille à tout le sens qui en jaillit. Car cette logorrhée des prophètes, passeurs, pasteurs et autres révérends à l’œuvre dans ce roman, on a intérêt à se laisser entraîner par son cours, on peut choisir d’être attentif à ce qu’elle révèle.  

Révéler est bien gros mot, lourd de sens. Or si j’affirme que les divagations et les délires hallucinés qui jalonnent cet ouvrage nous révèlent quelque chose, je dois être en mesure de préciser en quoi exactement cette œuvre offre du sens. Et en quoi au juste elle consiste. Puis-je y parvenir vraiment ? Identifier un sens dans ce qui est un carrefour me paraît improbable, difficilement réalisable. Il s’agit là d’un véritable nœud où se noue et se dénoue le fil de l’intrigue (j’écris à la manière du Narrateur, je le fais exprès).

Un roman est un roman. Dans certains, les auteurs se bornent à raconter des histoires. C’est déjà beaucoup, mais c’est peu. Freux offre davantage qu’une histoire. Ce qu’il raconte pourrait suffire, car il raconte bien, par paliers, où l’intensité gagne de degré en degré pour aboutir à un climax dont je ne dirai rien, mais qui est à proprement parler formidable, spectaculaire et j’ajouterai : significatif. Ce dénouement dit quelque chose sur ce que nous sommes, sur ces mystères que nous tentons de percer, sur notre quête du sens et notre rapport au Dieu qui n’est pas le Bon Dieu, mais un Non-Dieu. C’est dire que ce polar est un polar athéologique qui tient un discours sur la littérature et le mal. À quelques reprises, le nom de Bataille est évoqué dans Freux. Je rappelle que Bataille est un écrivain français, philosophe, auteur de La somme athéologique et de La littérature et le mal.

La présence de Dieu ou celle de la question de Dieu dans un ouvrage n’est pas toujours affaire de foi ou de bigoterie. Freux contient un volet métaphysique, interroge le mysticisme, est hanté par la sorcellerie et l’ésotérisme, mais il ne relève pas vraiment de l’essai. Certes, il réactive la force des textes sacrés, y puise abondamment, réanime leurs lettres mortes, redonne vie à ce qui en eux paraît fiction ancienne et fable, mythe asséché. Ouellet ne ressuscite pas des dogmes ancestraux, mais il donne naissance à un monde auquel le lecteur finit par adhérer, au point où il en vient même à se demander si le réel justement ne consisterait pas en cela même qu’il est en train de lire. Cette impression de réalité vient sans doute de ce que l’histoire se passe dans notre monde contemporain et bref ne remonte pas à la nuit des temps. Le Pasteur et ses avatars dans leurs délires intempestifs ont beau référer à la culture religieuse, aux textes sacrés, ont beau emprunter à leur véhémence, leur éloquence, leur rhétorique, la réactualisation du discours religieux qui en résulte semble produire du vivant. Cette Bird Girl qui est une statue, le sang coule dans ses veines, de même que Blandine, un des plus importants personnages féminins de Freux, est une transfusée dans un monde où le vivant devient statue alors que les statues se réincarnent.

Du sens, on en découvre çà et là ; ce sont bien souvent des réflexions que se font les personnages. Du sens, il y en a également dans leurs actions et particulièrement dans celles de Blandine, l’amie, l’amante du Narrateur et de l’enquêteur. Blandine est une artiste de la scène. Elle fait des installations. Elle réalise et met en scène des spectacles qui sont davantage que des spectacles. Qu’est-ce qu’une performance ? Qu’est-ce qui se joue dans la performance ? Freux explore ces questions.

Ah ! ce qu’il est malin ce Ouellet ! Son narrateur se prénomme Pierre, il a écrit des ouvrages de poésie dont les titres sont empruntés à ceux de Ouellet lui-même. Le patronyme que se donne le Narrateur, je le donne en mille : Quohélet. Ça ne s’arrête pas là, Qohelet, ancien roi d’Israël et auteur de L’Ecclésiaste, était le fils de David. Savant, savant fou. Ouellet se souvient sans doute de l’adage suivant : « Le sage cherche de la lumière, le fou lui en donne. » L’auteur a mis des fous partout dans son roman et ceux-ci ont tenu parole : ils ont mis en lumière cette part de ténèbres qui est en nous, à l’origine du mal qui nous fascine. Savant fou et savant sage. J’ajoute : érudit, mais c’est là un pléonasme. Le cruciverbiste trouvera dans ce roman de quoi enrichir son vocabulaire. Les autres y feront mille et une découvertes, sur les oiseaux et sur notre vaste monde.

Un artiste qui a de grands moyens peut choisir la ligne claire, la litote dont on dit qu’elle est la figure classique par excellence, ou encore l’euphémisme, le peu pour dire le plus. Mais d’un artiste tel que Ouellet, s’il compose une symphonie, se nomme Mahler ou invente l’opéra tel un Wagner, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il produise, si belles soient-elles, des gymnopédies à la manière de Satie. La prose de Ouellet est riche et pleine, savoureuse et savante, qui puise à l’ensemble du spectre de la rhétorique, figures de construction surtout, parallélismes avec ou sans antithèses, métaphores filées, rimes internes, assonances, allitérations, exploitation, quasi épuisement du champ lexical. Il en résulte des pages qui sont d’une beauté inouïe, parmi lesquels je peinerais vraiment à choisir celles qui pourraient le mieux illustrer ce que j’avance ici, à savoir que Ouellet a produit un véritable chef-d’œuvre. Parfois, je relis certaines d’entre elles pour mieux comprendre ce que je lis, mais la plupart du temps je relis uniquement pour le plaisir que me procurent ces nombreux passages. C’est un plaisir esthétique, si l’on veut, mais à la condition d’élargir cette notion (l’esthétique) en ajoutant à la plasticité de la forme un supplément dont je ne saurais tout à fait préciser en quoi il consiste, un supplément assurément de vérité, de justesse quant à ce qui est dévoilé sur le plan de la spiritualité, de la psychologie, de la pensée, de l’émotion et de la vie elle-même Si Baudelaire ou Poe écrivaient aujourd’hui un roman, ce roman ce serait Freux.

Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

2 réflexions sur « Freux : roman de Pierre Ouellet : paru à L’instant même en 2019 »

  1. J’aime bien la série de témoins convoqués à la barre dans cet article. Caillois avait raison au sujet des surréalistes. Il y a eu abus et facilité ; mais aussi quelques grands poèmes. Laisser passer l’inconscient, oui, mais prétendre l’étaler est naïf, sinon impossible. Quant à la Rolls-Royce de Flaubert, supposément en panne, la contempler est déjà un délice. À moins qu’on soit pressé d’aller quelque part. Enfin, pour revenir au début, plutôt sympathique ce Fénelon hostile aux marchands d’énigmes.

    J’aime

Laisser un commentaire