
Mon séjour ici s’achève.
L’archer noir a froidement visé.
Avancées vers l’invisible ne commence pas avec son premier poème. Antérieurement, le poète, toujours en marche, avançait déjà sur la voie menant à l’invisible. Il en était ainsi depuis l’enfance, depuis sa première naissance, dans l’attente de l’aube.
Mais ce n’est pas tant sur un chemin que s’aventure le poète. À dire vrai, il faudrait l’imaginer immobile, entreprenant une méditation reprise chaque jour, à l’aurore, afin de saluer la naissance du jour, pour lire surtout dans sa lumière les signes avant-coureurs d’un jour à venir, plus grand, celui où le natif en lui sera enfin ravivé. Chez Ouellette, la pureté de l’enfance est retrouvée dans l’au-delà.
Comme le peintre, tel un Cézanne peignant nature morte sur nature morte, déplaçant, replaçant les fruits, les ombres et la lumière, ordonnant chaque fois sur une toile nouvelle des assemblages qui bien que différents se ressemblent, et l’on pourrait également évoquer ses Sainte-Victoire tant de fois reprises, Ouellette entreprend au quotidien une même quête artistique et spirituelle. Il le confesse dans le dialogue intérieur qui se joue dans quelques-uns de ses poèmes, le « tu » étant alors dédoublement du « je » : « Tu demeures obsédé / Par le seul travail de l’escarpement, / Par la seule trajectoire / Qui atteint l’aurore de près, / Même si tout l’être, trop souvent, / Se replie dans son affliction, / Dans une solitude qui ne se confronte / Qu’au dérisoire. »
Comme le peintre, donc, Ouellette n’a de cesse de reprendre ce qui pour lui est plus qu’une série de thèmes, lesquels représentent d’ailleurs moins ses obsessions que les figures d’une très pure idée fixe, ou plutôt d’un sentiment d’élévation spirituelle dont le faîte pour lui n’est rien moins que le ciel. D’où dans ses poèmes tant de bleu et des oiseaux qui, contrairement à ceux de Mallarmé, ne font pas méchamment des trous dans la voûte céleste, mais revivifient bien au contraire la promesse que lui adresse l’Azur.
Notre poète puise dans ses images de prédilection, de poème en poème apparaissent ses symboles, ses couleurs, évidemment le bleu et son contraire, le gris de la cendre et de la pierre, la mer, le sommet de la montagne, les abîmes au fond de la vallée. Le poète use aussi de mots propres à son propos. Lui reprochera-t-on comme à Hugo naguère de recourir à des mots aussi connotés que celui de l’infini ? On déplora qu’Hugo en abusât. Je crois pour ma part qu’à la grandeur, il sied d’être identifiée comme telle dans le recours à des mots qui souvent reviennent chez Ouellette : inabordable, inaudible, innombrable, incandescent, intemporel, inexprimable, inexplicable, impénétrable et autres indicibles.
Le poème qui suivra le premier poème du recueil et ceux qui viendront à sa suite ajouteront leur chant à la manière d’une prière, perle d’un long chapelet de lumière que le poète égrène au fil des jours : reprise, mélopée, mêmes gestes de la main traçant les mots, paroles comme autant de variations sur des thèmes récurrents comme sont récurrents les jours de nos vies, celles-ci étant faites de lumières diurnes et d’obscurités nocturnes, toujours dans l’alternance des joies et des chagrins, de l’espérance et de l’abattement.
Mon être oscille entre la joie
Et l’obsession de l’abîme.
Il y a des alternances tout au long de ce recueil ; à des moments de grâce succèdent des lourdeurs de rochers ; les ronces gagnent le sentier où s’avance le poète, puis à nouveau une musique de l’âme opère en lui une transfiguration passagère. Ce sont des modulations, des changements de tonalité, mais aussi des revirements plus radicaux. Le bleu entrevu vire au gris. L’âme est envahie par de noirs sentiments, par des abattements.
On retrouvera de pareilles alternances dans d’autres recueils du poète. Elles sont évidemment à l’œuvre dans la suite qui clôt ce gros recueil. Dans Avec l’unique, le poète déplore la perte de l’épouse, puis réaffirme sa foi en leurs retrouvailles. Il évoque les moments de grandes lueurs, puis déplore le trop lourd silence qui pèse sur lui après le décès de sa compagne : « Mais dorénavant, / Comme elle demeure inabordable, / En retrait dans son silence le plus inaudible. »
Ailleurs, l’espoir renaît. Le ciel gris se dégage.
Ainsi de radieuses ébauches
De notre avenir se proposent malgré tout,
Laissant le présent, les pensées épuisées
Et tout ce qui s’assombrit,
Glisser derrière.
Le poète se situe désormais à la lisière de sa vie, son aventure terrestre s’accomplit dans une relative immobilité, celle du penseur au moment de son recueillement. Aventure inscrite dans l’écoulement d’un sablier de vie, voilà ce que relate ce recueil. Il va sans dire que ses poèmes ne suivent pas un arc narratif. Nulle part, ils ne commencent ni ne s’achèvent réellement. Le parcours est sans fin, qui commença dès les premiers vagissements du poète, avant même qu’il ne soit poète, dès l’enfance. En ce sens, rien n’apparaît ici qui soit de l’ordre d’une introduction. Pas de développement non plus et rien surtout qui sera proposé à titre de conclusion, sur le mode artificiel de la résolution d’une démonstration esthétique et littéraire, le poète ne se souciant guère de la composition de l’ensemble, de la création d’effets spéciaux, de rebondissements dans l’ordre de l’idée, de mise en scène du sentiment.
Il préfère le naturel d’un discours tenu au plus près de ses états d’âme, de sorte que nous avons affaire ici à un journal poétique fort personnel, quoique l’anecdote y soit rare, voire plutôt absente, le poète ne consignant pas son ordinaire, son train-train de vie quotidienne. C’est, je le rappelle, une poésie d’introspection par laquelle le poète contemple les signes annonciateurs de la présence à laquelle son âme aspire. Les avancées se produisent au quotidien, chaque jour nouveau donnant lieu au renouvellement du pacte qui le lie à l’invisible, reprenant la postulation de la veille et veillant à ce que le feu qui brûle en lui ne s’éteigne pas avant que le poète n’atteigne le terme de son existence.
Les recueils de Fernand Ouellette, pour la plupart, ont une composition organique en harmonie avec les mouvements mêmes de l’esprit du poète. Bien que les poèmes ne soient pas datés, on peut facilement inférer que leur suite emprunte à la succession des jours tels que vécus par le poète. L’auteur de Journal dénoué a muri journalièrement à travers ses lectures et ses écritures. Bien évidemment, il a vécu, il a entretenu avec les autres des rapports, affectifs avec les siens, ses proches et ses amis. Nombreux sont-ils ceux et celles à qui il dédie ses poèmes, ce qui très certainement atteste d’une vie où importent les relations avec autrui. Bref, il a vécu et pas toujours en solitaire. Or sa vie intérieure, elle, c’est par le poème et bien entendu la prière qu’elle a pu se manifester. Mais nous, lecteurs, avons accès pour retracer le parcours de la vie intérieure du poète qu’à ses écrits, ses prières demeurant personnelles, étant de l’ordre du privé.
Le matériau poétique est abondant. Fernand Ouellette n’est pas un écrivain parcimonieux. Jamais l’inspiration ne semble lui avoir fait défaut. On peut l’imaginer, alors qu’il rédigeait Avancées vers l’invisible, s’installant à sa table de travail et produisant ses poèmes comme à main levée, laissant parler et monter en lui une parole poétique venue plutôt aisément, tout naturellement, au fil de la plume, non point prose de diariste, mais poésie de l’intime exprimant le plus simplement du monde ses aspirations et ses dépossessions.
Avancées vers l’invisible, composé donc en suivant de près le parcours du poète, paroles détachées de son être au fur et à mesure qu’il avance plus à fond dans sa quête, est suivi de L’Absent, brève suite de poèmes consacrée à Jean, son fils décédé en mars 2004. Ces derniers poèmes ont fait l’objet d’une première publication en 2010 aux Éditions du Passage. Le fort volume de poèmes constitué par Avancées vers l’invisible et L’Absent s’achève avec le premier des trois tombeaux que Fernand Ouellette aura consacré à la mémoire de son épouse, Lisette Corbeil. Avec l’unique contient des poèmes probablement écrits après la rédaction de la grande majorité des poèmes contenus dans Avancées vers l’invisible. Suivront deux autres ouvrages dédiés à l’épouse en allée. D’abord le magnifique Où tu n’es plus, je ne suis nulle part, paru au Noroît en 2017, puis, le non moins magnifique Vers l’embellie publié aux Éditions de la Grenouillère à l’hiver 2023. J’aimerais montrer les liens unissant ces trois derniers ouvrages, montrer qu’ils entretiennent des liens fort étroits avec L’Absent et les poèmes de Avancées vers l’invisible. Dans le cadre de cette présentation sommaire, je devrai cependant m’en tenir aux grandes lignes, remettant à plus tard une étude plus étoffée.
Je dis « étude », c’est que l’œuvre de Fernand Ouellette, si elle peut faire l’objet de commentaires et de recensions diverses, appelle néanmoins au-delà de la simple lecture une étude plus approfondie. Ce n’est pas qu’il faille nécessairement y débroussailler un parcours encombré de poèmes obscurs. Au contraire, les poèmes de l’auteur sont pour la plupart limpides et accessibles ; cependant, leur richesse est telle qu’on gagne à les lire très attentivement, lentement, studieusement et je dirais humblement, c’est-à-dire en s’arrêtant longuement à chacun de manière à laisser monter en nous sa source vive. Ainsi, et de cette manière uniquement, les poèmes parviennent à l’emporter sur les résistances que certains lecteurs pourraient leur opposer en raison d’orientations ou d’absence d’orientations spirituelles opposées aux formes de spiritualité chères à l’auteur.
Un autre phénomène peut nuire à la lecture de ce recueil. C’est qu’il a été entrepris davantage pour être écrit que pour être lu, le poète n’ayant eu que moyennement le souci de fabriquer un objet destiné à la consommation. Il n’a de toute évidence pas suivi, s’il en existe un, le parfait petit manuel de la création poétique montrant comment aménager dans un recueil un itinéraire poétique convivial, indiquant comment créer, à la manière du prêt-à-porter vestimentaire, du prêt-à-lire très facilement par le premier lecteur venu. Non, j’insiste, bien que les poèmes actuels de Ouellette soient généralement plutôt accessibles, et en raison de la compréhension quasi immédiate qui en résulte, étant donné leur très grand nombre, je crains que les lecteurs les lisent trop rapidement, qu’ils ne prennent pas le temps de les méditer profondément, alors que ces poèmes sont justement le fruit d’une ample et profonde méditation. Ainsi, il se pourrait qu’on lise sans vraiment lire et qu’on ne soit pas attentif à ce que chaque poème apporte, ne percevant superficiellement en chacun que ce qui le rapproche des autres poèmes du recueil, et croyant alors que l’auteur se répète.
Oui, forcément, le même homme, depuis la position de qui se tient désormais face aux portes de la mort, pour ne pas dire de la vie éternelle, forcément, comme avec les pommes de Cézanne, comme avec les nymphéas de Monet, les choses ne semblent pas bouger, le lecteur ne passe pas rapidement d’un univers à un autre, d’autant que le style du poète possède une réelle unité. Mon avis est qu’il convient de lire la poésie de Ouellette comme elle a été écrite, c’est-à-dire en lisant un poème par jour, ou trois ou quatre, guère davantage.
Je dois revenir sur la question de la foi. Je crois qu’il y a deux grandes périodes dans l’œuvre poétique de Ouellette. La première prend fin avec la parution de Je serai l’Amour, ouvrage dans lequel le poète entreprend de cheminer dans le sillage de Thérèse de Lisieux. Après l’illumination relatée dans Le danger du divin le poète semble s’engager sur une voie nouvelle. Il se voue entièrement à l’écriture d’essais portant sur la question religieuse. Lorsqu’il effectue un retour à la poésie avec L’inoubliable en 2005, j’ai l’impression que ses nouvelles œuvres poétiques diffèrent alors sensiblement de celles qu’il écrivait avant le tournant du siècle. Le style a subi des transformations et la foi désormais sous-tend l’entièreté de la démarche du poète. Cela reste à voir.
Une chose est certaine, et sur ce point je me permets d’insister, pour ostensible qu’elle soit désormais dans ses poèmes, notamment dans ceux d’Avancées vers l’invisible, jamais la foi n’apparaît-elle de façon ostentatoire dans la poésie de Ouellette. Je l’ai dit, je le répète, nul prosélytisme ne se rencontre dans ses vers, sinon tamisé, indirectement infusé dans le discours, dans la mesure où c’est de la foi que procèdent chez lui la vie et le poème, le poème étant l’instrument grâce auquel le poète ressent et exprime la présence du divin et parfois son relatif effacement.
Le parcours du poète est sans fin, du moins sans autre fin que celle que lui assignera éventuellement la mort. Chez lui, la mort se présente sous deux aspects nettement distincts. Elle est à la fois crainte et désirée. Crainte, elle nous a arraché des êtres chers et le fera derechef ; crainte, puisque pour chaque individu, elle se manifeste avant que ne s’abatte la faux, avant que ne tombe le couperet. Ce premier visage de la mort plaque sur le vivant son masque mortuaire bien avant qu’il ne s’éteigne. Mais par-delà la vie de fantôme que la mort impose au poète de son vivant, la seconde mort donne à ce que plusieurs redoutaient n’être que dur néant un nouveau visage, une nouvelle vie. Tel est le sens du parcours ; le poète est en marche, il s’avance dans la direction de l’invisible, dont l’embellie est en quelque sorte le porche, la porte d’entrée que préfigure dans le réel ce qui a nom justement d’embellie, l’embellie étant hissée au niveau du symbole dans le recueil Avancées vers l’invisible ainsi que dans les recueils qui suivront, sans doute également dans les précédents.
J’imaginais plus haut le poète jour après jour attablé à sa table. Écrivant ce volumineux recueil fait de poèmes qui, tous, à l’exception d’un seul tiennent sur une page.
Une page. Autrement dit, un moment de méditation.
L’écriture chez Fernand Ouellette tient du rituel. À sa table, le poète célèbre par la parole une manière d’eucharistie poétique, il communie avec ses morts, avec l’idée de sa propre mort également. Il formule et reformule dans le bréviaire qu’il improvise une profession de foi à l’endroit de l’invisible. Ses poèmes pour autant ne sont pas des prières, et du reste, dans sa démarche éminemment poétique et spirituelle, il n’occulte jamais la part maudite qui en lui freine ses élans spirituels en interposant au cœur de ses méditations les troublantes résurgences de ce qui hante sa conscience. Ainsi lisons-nous dans L’Absent les vers suivants.
En moi, tant d’ascensions vaines,
De défaillances
Sur les flancs des heures.
Tout ce qui ne m’a pas permis
De rester dépouillé, exultant
À la lisière de l’aurore.
Ou ce qui m’a distrait, éloigné
De L’apothéose prochaine.
Lorsque j’ai entrepris la lecture de Avancées vers l’invisible j’étais curieux de découvrir ce que le poète avait écrit en amont de ses deux derniers recueils. Il me semblait que Vers l’embellie ne pouvait être que le sommet de son œuvre, ce qu’est peut-être effectivement ce recueil, mais je désirais mettre à l’épreuve ce jugement sans doute précipité. J’avais lu et relu à quelques reprises Où tu n’es plus, je ne suis nulle part, et relu Journal dénoué et d’autres ouvrages essayistiques de l’auteur, mais saisi par ce qui unit très fortement les deux derniers recueils (ils sont tous deux des tombeaux célébrant la mémoire de Lisette Corbeil), je désirais voir jusqu’où, en reculant dans l’œuvre du poète, je trouverais des constantes. J’avais également dessein de découvrir si existait réellement dans cette production poétique un pivot, si les différences étaient marquées entre les poèmes d’avant et ceux d’après la nuit de la Pentecôte lors de laquelle le poète a été, ce ne sont peut-être pas les mots qu’il emploie, foudroyé par la grâce. Dans Le danger du divin, il relate les circonstances dans lesquelles s’est produite cette nuit d’illumination. Avant elle, Ouellette était un poète chrétien ; après, il est devenu, c’est lui qui le dit dans cet ouvrage, « un chrétien poète ». Or, me demandais-je, des différences substantielles apparaîtront-elles réellement entre les productions d’avant et celles d’après ? Je ne saurais pour l’instant me prononcer sur ce point. Par contre, des différences peuvent être facilement observées entre les derniers ouvrages du poète. Elles tiennent, je crois, à la situation du poète.
Quand il entame la rédaction de Avancées vers l’invisible, son fils Jean est mort depuis déjà une bonne dizaine d’années. Même si Jean est évoqué à quelques reprises dans le recueil, le deuil est accompli. Ç’aura été dans L’Absent, publié en 2010, soit cinq ans avant la parution de Avancées vers l’invisible que les poèmes les plus poignants auront été publiés, et sans doute auront-ils été rédigés dans le vif du chagrin, soit dans les jours et les semaines qui suivirent le décès de Jean. Je rappelle que L’Absent figure à la fin de Avancées vers l’invisible et qu’il est immédiatement suivi de Avec l’unique.
Dans cette dernière suite, le poète écrit également in situ, au cœur même de la souffrance qu’il ressent. Les poèmes qu’il écrit constituent une sorte de biographie. Sans toutefois en faire un récit exhaustif, le poète aborde les grands moments intérieurs de la vie de son épouse, dresse un portrait de son univers psychique et moral. Lisette qui vient de mourir est encore présente. Tout comme dans Avancées vers l’invisible, où le poète se postait en position d’attente, fixant dans le ciel l’ouverture espérée, il réaffirme sa croyance, son espérance à l’endroit de l’ouverture qui fera ultérieurement l’objet de Vers l’embellie, ouverture qui est, il va sans dire, à l’œuvre également dans les recueils précédents.
Dans Avec l’unique, Lisette est donc encore proche, et le poète tente de reconstituer sa présence en rassemblant moins des souvenirs qu’en dévoilant certains traits de sa personnalité, n’oblitérant pas les nœuds présents dans son histoire, notamment ceux d’une enfance difficile : elle « cultivait en secret ses larmes, / Tellement on l’avait lacérée … / Son passé échappait à tes mots … » Les beaux moments sont aussi évoqués, le poète parle des « sourires qu’alentour d’elle / Elle avait l’art de diffuser. »
Dans cette suite, le poète brosse davantage le portrait de celle qu’il appelle l’unique ou son absente que dans les deux recueils qu’il lui consacrera par après. Il évoque les luttes qu’elle menait « à forces inégales » contre ses tourments, ses blessures : « Elle n’avait jamais trouvé de riposte / À ce qui se ruait à travers elle / En la consumant. »
Les recueils suivants nous montreront un poète de plus en plus livré à l’abandon. Lisette sera encore présente, mais la solitude plus radicale dans laquelle sera plongé le poète feront subir au visage de l’unique un certain effacement, le poète parlera des photographies d’elle gagnées par un certain brouillard.
Par ailleurs, dans Vers l’embellie, la plume du poète ne pèsera pas lourd sur le papier, elle l’effleurera. Il en résultera des poèmes très épurés, avec comme en arrière-fond la présence rarifiée de Lisette. Toutefois, et cela est remarquable, jamais la pensée des retrouvailles ne sera totalement éclipsée par le désespoir du poète. Il reformulera à nouveau un sentiment exprimé dans Avec l’unique. Je juge important de le mentionner. Dans l’invisible, ce sera désormais non pas Dieu lui-même que le poète voudra rencontrer, mais bien plutôt son épouse. Il souhaitera la retrouver.
Sans elle, là-haut,
Dans l’attente de ma venue,
Montant, je me serais trompé de paradis,
De présent espéré, de félicité.
Je m’en voudrais de ne pas souligner que du vivant de son épouse, Fernand Ouellette lui avait dédié un poème qui se trouve dans Avancées vers l’invisible. Ce poème, l’un des très nombreux plus beaux poèmes de Ouellette, s’intitule « Retrouvailles ». Il se termine ainsi.
Mais, après les pleurs, après le silence,
Un étincellement innommable va nous diriger,
Graver la voie au milieu de l’étoile
Pour nos retrouvailles ardentes,
À jamais.
