Vladislav Khodassevitch : Nécropole : Actes Sud : 1991

Maintenant, il ne reste plus que ce simple nom :
Lucien Lèbre, sur la plaque d’un columbarium,
avec les dates (1926-2008).
Et entre ces deux dates, père, quoi donc
qui pourrait rester mémorable
sinon ta présence au bord de l’eau
quand sans doute quelqu’un passait
qui disait alors : « tiens, un pêcheur ! »
Enfant, je n’aimais pas que le bouchon s’enfonce,
je préférais le regarder flotter,
avec autour le paysage, et les oiseaux.
Père, tu m’as appris l’infinie patience
du pêcheur à la ligne et peut-être, peut-être
(mais j’ai un peu honte de le dire,
toi qui l’hiver fabriquais des paniers d’osier)
en reste-t-il quelque chose dans mes poèmes ?

Jacques Lèbre, L’immensité du ciel, L’Escampette éditions, 2016

Je dois le poème qu’on vient de lire à Michel Pleau, qui souvent met en circulation au bénéfice de ses lecteurs des poèmes d’ici ou d’ailleurs, d’aujourd’hui ou d’hier. Pleau exhume parfois des vers anciens. Une tombe avec lui ne demeure pas longtemps ignorée. Si elle recèle des merveilles, il les expose au grand jour.  

Dans ce poème de Lèbre, il est question d’un temps révolu. Le poète s’adresse à un être cher, disparu, un de plus, parti ajouter un peu d’absence à celles qui peuplent nos nécropoles, à des souvenirs qui disparaîtront sans doute au moment de notre propre disparition. En restera-t-il alors quelque chose ?

Le père a transmis la patience. L’objet de celle-ci est passé du matériel au spirituel, du panier d’osier au poème. Le fils rend hommage à son père, non sans manifester une manière de réticence, un certain doute. Un sentiment de honte pointe en lui, car il se pourrait que dans le silence laborieux de qui confectionne des paniers d’osier entre autant sinon plus de « grâce » et de « lumière » que dans la tension poétique où la visée est pourtant l’immensité du ciel.

Les poètes écrivent des poèmes. Au moment de leur départ, c’est là ce qu’ils laissent aux survivants. Des poèmes. Dans Nécropole, il est peu question de poésie. C’est plutôt à une génération de poètes russes qu’il a bien connue que l’auteur consacre sa plume. Ceux qui furent les maîtres ou les compagnons de Vladislav Khodassevitch ont-ils laissé en héritage, ainsi que le père de Jacques Lèbre, le témoignage ou l’exemple parfait d’une « infinie patience » ? Khodassevitch permet d’en douter. Les symbolistes russes dont il nous entretient semblent plutôt avoir été des hommes passionnés, consumés par un intense feu intérieur, poussés, malmenés par les vents violents de l’histoire. Dans la plupart des cas, ils ont connu un sombre destin, souvent une mort prématurée, sinon une vie en dents de scie poursuivie à travers un lamentable déclin. Assurément, il y a lieu de parler à leur sujet d’une véritable hécatombe.

Et pourtant, ces poètes étaient bien vivants. Dont la vie était un poème vécu, dont les œuvres semblaient ne se distinguer en rien de leur propre existence. Tout pour eux ne devant faire qu’un, en ce que le grand tout de la poésie idéalement incluait chaque battement de leur cœur et réciproquement, tout en eux était mis au service de la création poétique. Khodassevitch l’écrit : « Les symbolistes désiraient ne pas couper l’écrivain de l’homme, le destin littéraire de la vie privée. Le symbolisme ne se contentait pas d’être une école d’art, un courant littéraire, mais cherchait à devenir une méthode créatrice de vie. […] Un artiste créant un poème non dans son art, mais dans sa vie même, était alors un phénomène naturel. »

De la même manière qu’il y a quelque temps j’ignorais tout de Lèbre, je ne savais rien de Khodassevitch. Gorki mis à part, les auteurs que ce dernier présente étaient également pour moi de parfaits étrangers. Je ne fais pas cette confession innocemment. Elle entretient avec mon propos des liens étroits, liens qui justement apparaissent clairement dans le poème de Lèbre. Un homme y pêche. On voit que cette activité absorbait une partie de son temps, qu’il s’y consacrait un peu comme son fils se voue à la poésie, avec une « infinie patience ». La pêche, activité méditative s’il en est, où nos idées, sentiments et sensations s’ordonnent, formant des torsades à la manière des paniers d’osier, à la manière des poèmes où les vers également tissent du sens, faisant ainsi entendre du vent et voir des étoiles dans l’immensité du ciel.

Or sous les constellations justement vivent les hommes. Et les hommes aiment les femmes, qui les aiment aussi peu, aussi mal ou tout autant ; leurs corps s’entremêlent, leurs cœurs s’éprennent ; des poèmes s’écrivent pour chanter l’amour, célébrer la fusion des corps, la liaison des âmes, la noce des esprits ; les mots, des cris, des soupirs déplorent les absences, pleurent les départs ainsi que les ruptures.

Quelle a été la vie du pêcheur ? Sans doute aura-t-elle quelque peu ressemblé à celle des poètes. Il aura aimé, connu des joies et des chagrins. Pour l’essentiel, ç’aura été du pareil au même. Pêcheurs et poètes, même histoire ? Pas tout à fait. En réalité, pêche et poésie n’entretiennent pas les mêmes rapports avec les mêmes vers. Le sourire du pêcheur est sans doute plus serein. J’ose espérer que le père du poète aura vécu une vie sans trop de montagnes russes. Je l’ai laissé entendre, il n’y a rien de drôle dans Nécropole. On y rit peu souvent.

De même que le pêcheur ne se définit pas uniquement par ses activités de pêche, les poètes ne font pas que produire de la poésie. Leur vie a beau tourner autour de la poésie, celle-ci en être l’aimant, le point autour duquel tout le reste vient s’articuler, il n’en demeure pas moins que ces illuminés, chez les symbolistes russes la divagation paraît un lieu réellement commun, s’exilent de leur condition de poètes pour se comporter sur la plancher des vaches comme le font souvent notaires, palefreniers, paysans, gros bourgeois ou hommes d’affaires. Bref, ils agissent comme le premier venu. C’est qu’il faut aussi s’amuser. Les muses n’inspirent pas que des vers. On éprouve à leur endroit d’autres types de sentiments. Le désir est impérieux. On multiplie les conquêtes. On ravit à ses rivaux femmes et maîtresses. On s’enivre, on a soif de pouvoir. On gravit les échelons de la société littéraire qui, comme le chantait Ferré, « est encore la société ». Là où il y a de l’homme, s’il y a de l’humanité, on trouve aussi de l’hommerie.

Tout n’est pas blanc ou noir. Des hommes en apparence sublimes commentent parfois des actions abominables, des crapules quant à elles peuvent faire montre de dignité. Hauteur, bassesse, exemplarité, médiocrité : on trouve tout ça dans la nécropole où se situe l’action de ce presque roman. Je dis « roman » parce que dans ces mémoires, les différents chapitres racontent des destins où se croisent et recroisent à peu près toujours les mêmes personnes, lesquels nous semblent des personnages de romans, des protagonistes. « Roman », donc, parce que Nécropole se lit comme un roman. Peu ou pas de théorie dans ces pages : que des hommes et des femmes, que des rapports humains. Mais aussi, pour les amateurs d’histoire, une trame de fond qui par endroits prend presque les devants : c’est la Russie au tournant du dix-neuvième siècle, celle des bouleversements sociaux et politiques, de la révolution, de l’instauration du régime soviétique. « Roman » finalement, en raison des merveilles qui sortent de la plume de Khodassevitch. Je devine que ce dernier a été fidèlement, scrupuleusement servi par la traduction. Quoi qu’il en soit, ses mémoires ont du prix en raison des qualités de leur écriture. C’est peu dire, mais on ne peut le taire. Les mémorialistes ne séduisent pas toujours les lecteurs autant par la manière que la matière. C’est en romancier doué, en artiste du verbe accompli, en poète, en conteur apte à tirer habilement les ficelles que Khodassevitch narre ces histoires qui sont, je le rappelle, constituées de faits réels, dont l’auteur a été témoin, où il a lui-même souvent tenu un rôle actif et non uniquement d’observateur. Tous ces poètes, il les a connus et fréquentés. Ils se nomment Brioussov, Biely, Mouni, Goumiliov, Blok, Gerschenson (lui fut un critique littéraire), Sologoub, Essenine, Gorki. Certains sont célèbres, mais peu connus en occident. Autour d’eux gravitent à l’occasion une Tsvetaïva, un Pasternak, un Maïakovski, un Mandelstam, une Berberova (elle fut la compagne de Khodassevitch) ainsi que quantité d’autres.

« Maintenant, il ne reste plus que ce simple nom : /Lucien Lèbre, sur la plaque d’un columbarium,/avec les dates (1926-2008). » À la fin du livre de Khodassevitch, on a cru bon d’ajouter un index biographique. On y compte pas moins de 77 entrées. Poètes et écrivains pour la plupart, compagnons de route, intellectuels, professeurs, peintres, etc. C’est là un petit cimetière. On ne rencontre ici que des fantômes. Aux dates (celles de notre auteur sont les suivantes : 1886-1939), on ajoute quelques ossements, en quelques lignes on rappelle ce que la postérité a retenu du legs de ces différents personnages. Quelques titres d’œuvres, parfois le mouvement littéraire auquel certains ont appartenu (décadent, symbolisme, modernisme acméisme…), leurs faits d’armes et réalisations (participation à un complot monarchiste…) etc. Ce ne sont là que des ossements inertes.

Dans son ouvrage, Khodassevitch souffle sur ce tas de cendres, il réanime les âmes mortes de ses compagnons. À vrai dire, certains vivaient quand il écrivait ses mémoires, mais tous aujourd’hui sont décédés ; ils reprennent vie grâce à l’auteur.

Un poète n’est pas une abstraction. Certes, le poète écrit et pense en poète, à tout le moins il se fait de la poésie une certaine idée. On peut lire ses œuvres et consulter, s’il s’en trouve, les écrits où il expose sa poétique. Par exemple, Nécropole fournit peu de renseignements sur la conception que se faisait un Brioussov au sujet de la nature et de la fonction de la poésie. En revanche, l’ouvrage offre un portrait de l’homme qu’il était, et nous le fait voir en mouvement, quasiment en trois dimensions, déambulant, bombant le torse, séduisant des femmes, les rejetant, siégeant sur des comités, présidant des assemblées, faisant des pieds et des mains pour que plus tard la postérité retienne son nom : « Je veux vivre, pour qu’il y ait deux lignes sur moi dans l’histoire de la littérature universelle. Et ça se réalisera. »

Je veux vivre, dit-il à Khodassevitch qui rapporte mot pour mot les paroles de son compagnon. Il ne dit pas : « Je veux écrire ». Ce « vivre » me ramène à mon propos, à savoir que les mémoires de Khodassevitch ont précisément pour but de retracer des existences. Mais ce « vivre », en lieu et place d’un « écrire » qui eût peut-être davantage révélé la nature d’un véritable écrivain (mais qu’est-ce qu’un véritable écrivain ? et un véritable écrivain ne peut-il pas également être un faux jeton ?), ce « vivre » excède l’écriture, lui fait la part congrue, donne à l’entreprise littéraire un rôle quasi secondaire. Écrire devient un moyen pour parvenir à des fins extralittéraires, la « gloire » étant alors le point d’horizon qu’on s’est fixé. Brioussov a écrit quelque part : « Dès mon enfance j’ai su que le but de ma vie était la gloire. Je suis né poète. Oui ! Oui ! J’écris, mais, comme toujours, en écrivant, je pense moins à ce que j’écris qu’à l’admiration générale que suscitera mon œuvre. »

Je pourrais m’arrêter longuement sur le cas de Brioussov. Fut-il réellement un arriviste ? Fut-il l’antisémite que décrit son ami ? Il a en tout cas dans les moments opportuns su virer sa veste au gré des aléas politiques, s’inventant par exemple un passé communiste quand est venu pour lui le temps de s’arrimer aux diktats des maîtres du Kremlin. Mais le pire, s’il est permis ici de l’évoquer, est relatif à des histoires de femmes, et au premier chef à celle qui conduisit au suicide sa jeune amoureuse qui, s’étant entichée de lui, ne pouvait souffrir de le partager avec son épouse légitime. L’adultère n’est pas un crime. Offrir cependant une arme à feu à une âme désespérée, déjà au bord du gouffre, n’en éprouver par la suite que de passagers remords, poursuivre sa carrière comme si de rien n’était, recherchant les honneurs, en récoltant plusieurs : cela donne à réfléchir sur la valeur des monuments ou des timbres postaux qui plus tard célèbrent de semblables existences.

Si l’on se fie à Nina Berberova qui signe la préface de ces mémoires, ces derniers auraient été rédigés avec probité : « La rigueur de Khodassevitch à l’égard de lui-même et des personnes parmi lesquelles il lui échut de vivre, son honnêteté exempte de tout compromis lorsqu’il jugeait les autres, la scrupuleuse précision de son écriture, tout cela fait de Nécropole un cas unique dans la littérature du souvenir consacré au symbolisme russe. »

Retenons cette expression : « des personnes parmi lesquelles il lui échut de vivre ». C’est là un « vivre » qui sonne tout à fait comme un « mourir ». En effet, Berberova, toujours dans la préface écrit : « Aujourd’hui, il est clair que Khodassevitch appartenait à cette génération russe (née dans les années 1880-1899) qui fut presque entièrement exterminée par la révolution de Lénine : suicides, morts prématurées, changements forcés de profession et oppression spirituelle , dans leur propre patrie ; pauvreté, solitude, oubli, absence de lecteurs et perte de la patrie ici, c’est-à-dire dans le monde occidental ; il ne pouvait y avoir pour eux d’autre destin dans ces années-là. C’était une génération qui n’avait pas eu le temps de s’exprimer avant 1918, mais qui ne pourrait jamais accepter la réalité du totalitarisme, où il n’y avait plus de place pour elle. »

Qu’a laissé le pêcheur ? De lui, mis à part une infinie patience, que reste-t-il de « mémorable » ? Et qu’ont donc laissé les poètes auxquels Khodassevitch consacre ses mémoires ? Il n’en resterait justement que ces mémoires, cela déjà serait beaucoup. Ils nous font découvrir une voix. Je sais, c’est une voix ancienne et l’ouvrage qui nous la fait découvrir est peut-être aujourd’hui introuvable. Il n’empêche. Cette histoire des symbolistes, de l’aveu même de l’auteur « une histoire de vies brisées », est passionnante. Ses personnages sont souvent attachants. Pauvre Nina Ivanova Petroskaïa, une paumée dirions-nous. Le browning avec lequel se suicida la maîtresse de Brioussov, il se trouve que c’était précisément le revolver qu’avait utilisé Nina, quelques années auparavant, pour tuer le poète Biely dont elle était encore follement amoureuse : l’arme s’est enrayée. Afin d’attiser la jalousie de Biely, elle avait conquis Brioussov. Devenue morphinomane, elle avait ensuite initié celui-ci aux terrifiants délices de cette drogue. Et puisqu’il est question encore une fois de Brioussov, dont on pourrait sans doute dire un peu de bien, mentionnons que le monsieur n’était pas un mauvais poète : il avait des lettres. De Mallarmé, il avait retenu la hantise du Livre. On se souviendra que le poète français soutenait que le monde avait été fait pour aboutir à un livre. Au beau livre dont rêvait Mallarmé font écho ces vers de Brioussov : « Tout dans la vie n’est peut-être que prétexte/À des poèmes scintillants et chantants. » Je ne puis m’empêcher ici non pas de dénoncer un plagiat, ce serait remettre en cause toute l’histoire de la littérature qui n’est au fond qu’un vaste palimpseste, mais plutôt de remarquer un certain affadissement, une retombée du projet mallarméen, hautement métaphysique a-t-on souvent remarqué, un banal retour avec Brioussov, qui ne s’en est sans doute jamais trop tenu loin, à de bien ennuyeuses plates-bandes de fleurs de rhétorique, de joliesses uniquement ou principalement esthétiques. Attachants, disais-je, oui, ces personnages, à l’exception de Brioussov : tous plus attachants les uns que les autres ou sinon intéressants.

Je laisse le mot de la fin à un poète qui « incarna très profondément l’époque où se déroula sa courte vie. » Samuel Viktorovitch n’a à peu près rien écrit, rien qui vaille la peine d’être mentionné, c’est du moins ce qu’affirme son ami Khodassevitch. On l’appelait Mouni. Un type charmant, un pauvre type. Ferré encore : « Ce sont de pauvres types ». Lui aussi est un parfait exemple de ces « vies brisées » dont parle l’auteur. Comme Nina la paumée, il a opéré « la fusion de la vie et de la création », et son œuvre fut finalement « le poème de sa personne ». Il a brillé, puis s’est éteint. Tragiquement. Comme Nina, il s’est suicidé. Il avait déclaré à son ami ces tout petits mots, qui tout de même veulent dire quelque chose, quelque chose d’important : « Remarque : j’ai tout de même existé. »

Auteur : Daniel Guénette

Né le 21 mai 1952, Daniel Guénette est originaire de Montréal. Il a vécu la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il publie chez Triptyque deux recueils de poésie, Traité de l’Incertain en 2013 et Carmen quadratum en 2016, ainsi qu’un récit, L’École des Chiens, en 2015. Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2015 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l'évocation de l'ami fidèle nous servira de guide. ». Dominic Tardif, dans Le Devoir, 4 juillet 2015 a rendu compte chaleureusement de L’école des chiens. Il a souligné qu’avec ce récit, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, L’école des chiens a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On a pu lire ses recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique. Plus récemment, l’auteur a publié deux nouveaux titres en poésie, Varia au Noroît en 2018 et, à l’hiver 2023, La châtaigneraie aux Éditions de la Grenouillère. Pour ce recueil, le poète a été finaliste au Prix d’excellence du webmagazine La Métropole. Dans la recension que réserve à cet ouvrage la revue LQ, le critique Antoine Boisclair écrit: « Ce recueil émouvant, très maîtrisé du point de vue formel, témoigne d’un savoir-faire indéniable. » Le critique et poète français Pierre Perrin écrit dans sa revue trimestrielle de littérature, la revue française « Possibles », ne pas confondre avec la revue québécoise du même nom : « Daniel Guénette a le vers sûr, souvent proche de l’alexandrin, parfois très bref. Il sait restituer une vie, avec sa foudre, ses éclairs, et les moments de calme, voire de communion. La Châtaigneraie constitue un beau recueil presque filial. » Pour sa part, dans Le Ou'tam’si magazine, Nathasha Pemba déclare que « La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité. » Outre ces recueils de poésie, l’auteur fait paraître quelques nouveaux romans. De Miron, Breton et le mythomane, paru en 2017 à La Grenouillère, Dominic Tardif écrit dans Le Devoir : « Chronique des glorioles imaginaires d’un grand taquin aimant (se) conter des histoires et fabuler une légendaire vie d’aventures, Miron, Breton et le mythomane est le carton d’invitation d’une fête organisée en l’honneur du mensonge auquel s’abreuve n’importe quelle forme de littérature digne de ce nom. » Pour sa part, Dédé blanc-bec reçoit dans Nuit Blanche un commentaire signé Gaétan Bélanger : « Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace. » Vierge folle est le dernier roman de l’auteur. La recension parue dans Culture Hebdo se termine avec ces mots : « Nous vous laissons le soin de découvrir la conclusion. Excellent, est un euphémisme. On a adoré. » Ce roman, sans doute le meilleur de l’auteur, s’il a suscité l’enthousiasme de ses lecteurs n’a guère fait l’objet de recensions sérieuses. Pour des recensions sérieuses, il aura fallu attendre l’hiver 2023. Au billet d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie, se sera ajoutée dans Le Devoir une chronique de Louis Cornellier consacrée non pas à un roman ou un recueil, mais à un essai. Le journaliste y salue d’abord le travail entrepris par l’écrivain sur son blogue : « Fin lecteur de poésie, l’écrivain s’y impose comme un critique raffiné, érudit et amical dont le style, limpide et élégant, s’apparente à celui de la conversation relevée. Ces qualités en font une rareté dans le paysage littéraire québécois. » Puis, il rend compte de l’essai : « Dans Le complexe d’Orphée (Nota bene, 2023, 186 pages), l’écrivain se fait plus essayiste que critique en proposant « une manière de promenade » dans laquelle il tente « de saisir la nature de la poésie ». Fidèle à son approche modeste et exploratoire, il déambule en compagnie des poètes et penseurs qu’il aime afin de délimiter son objet, tout en cultivant le souci de ne pas l’enfermer. » Il conclut sa chronique en ces termes : « Partisan des « poèmes limpides » qui disent de « simples vérités », Guénette trouve dans la poésie un antidote « à l’endormissement de [ses] facultés » ou, comme l’écrit Valéry, un discours « chargé de plus de sens, et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n’en porte et n’en peut porter ». Fénelon aurait aimé ce livre admirable. » La conclusion de l’article d’Antoine Boisclair portant sur La châtaigneraie était elle aussi plutôt réjouissante : « Romancier accompli (son dernier récit, Vierge folle, est paru en 2021 aux éditions de La Grenouillère), critique littéraire important (son blogue, intitulé Dédé blanc-bec, offre des comptes rendus très étoffés sur des publications québécoises), Daniel Guénette est aussi un poète qui mérite toute notre attention. »

9 réflexions sur « Vladislav Khodassevitch : Nécropole : Actes Sud : 1991 »

  1. Intéressantes découvertes que tous ces poètes russes. On connaît les tragédies de toute cette malheureuse époque, et ici on voit que les passions les plus fortes, comme l’amour fou, continuaient de faire des ravages dans les coulisses. On voit aussi que là où il y a tragédie il y a souvent aussi comédie. Ce qui me rappelle une toute petite nouvelle de Thomas Bernhard qui s’appelle Est-ce une comédie ? Est-ce une tragédie ? Pour les pauvres poètes russes du tournant du 20e s. ce fut assurément sombre, avec quelques échappées sans doute parfois. Voilà pourquoi j’ai éclaté de rire en lisant que «  pêche et poésie n’entretiennent pas les mêmes rapports avec les mêmes vers ».

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    1. On peut parfois se permettre un peu d’humour ! « Nécropole » est vraiment un livre très riche. Cela je crois l’avoir dit, mais j’aurais aimé rendre cette richesse en en disant davantage. Par exemple, tout ce qui concerne Gorki est à lire. À la fin de sa vie, il avait conscience d’avoir été un poète médiocre : « Mais, dites-moi, s’il vous plaît, mes vers, ils sont très mauvais ?  » Vladislav répond que oui, « ils sont très mauvais ». Gorky, avec dépit : « C’est dommage. Affreusement dommage. Toute ma vie j’ai rêvé d’écrire au moins un bon poème. » Sur ce bref échange, il y aurait beaucoup à dire. Merci d’avoir lu.

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  2. j’ai lu avec grand intérêt… vous relatez avec justesse cette époque sombre pour la Russie. Votre écriture nous permet de comprendre beaucoup de choses… la dernière petite phrase (J’ai tout de même existé) me bouleverse… Une époque difficile pour les poètes et les écrivains… J’ai tout aimé, de la première à la dernière ligne, encore, je prends des notes… Merci infiniment pour ce Blog si instructif…. Bonne journée Daniel!

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    1. Bonjour Élise. Comme toujours, il me fait plaisir de vous retrouver aujourd’hui, de constater que vous lisez et commentez toujours aimablement ce que j’écris. Cet été, je rédigerai sans doute moins de « petites études » (un roman est en préparation), mais lorsque j’alimenterai mon blog, je penserai à vous, soyez-en certaine.

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  3. Bonsoir Daniel.
    J’adore ton style mi-humoristique mi-sérieux. Tu décris l’art de la pêche de manière tout à fait décapante pour un prétendu pêcheur comme moi. Mes vers sont rarement des alexandrins ou pas longtemps! Et ton paragraphe sur la constellation où vivent les hommes… un pur bijou!
    J’aime bien aussi ton analyse de ces grands poètes russes mais je connais davantage la pêche…
    Ton voisin occasionnel… peintre obligé!

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    1. Cher Laurent,
      Il y a des voisins d’occasion qu’on ne voudrait pas perdre pour tout l’or du monde. Des peintres qui d’une porte de garage font de purs chefs-d’œuvre. S’ils connaissent peu la poésie russe, peu importe, avec eux, on sera toujours prêt à faire la vraie révolution, la seule qui compte vraiment, celle de l’amitié permanente. Merci de lire mes petites divagations.

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      1. Bonsoir Daniel,
        Je me considère privilégié d’avoir accès à tes critiques d’œuvres que jamais je n’aurais pensé même exister…
        Tu vois là ma triste condition de travailleur manuel qui fait quand même de son mieux pour élever son niveau de sensibilité artistique. Les astres feront sûrement leur oeuvre avec le temps car ce voisin veut au moins s’élever au niveau de notre cher vieux Max adoré!

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